Résumé
Les perspectives évolutionnistes et féministes sur la beauté féminine sont compatibles à certains égards, comme les résultats oppressifs et destructeurs pour les femmes en raison de l’importance accordée à la beauté féminine. Les perspectives ont tendance à différer sur la question des origines de (certaines) normes de beauté. Les scientifiques de l’évolution ont proposé que la beauté est un indice fiable pour la santé et la fertilité des femmes. Cependant, comme les facteurs régulant la santé et les capacités de reproduction ne peuvent être directement observés, la sélection sexuelle a façonné des adaptations psychologiques pour s’occuper des caractéristiques corporelles qui sont corrélées avec la santé et la fertilité. Il est proposé que les gens soient en résonance avec ces caractéristiques corporelles et les trouvent attrayantes.
L’une de ces caractéristiques corporelles chez les femmes est la distribution gynoïde du corps (c’est-à-dire une forme corporelle féminine normative dans laquelle la distribution de la graisse est concentrée autour des hanches et des cuisses). La répartition de la graisse corporelle gynoïde est mesurée par le rapport entre le tour de taille et le tour de hanches (WHR). Dans cet article, nous résumons les preuves empiriques montrant que le tour de taille et de hanches est un prédicteur indépendant des risques de maladies graves, du profil hormonal optimal et des capacités de reproduction.
Ensuite, nous présentons les résultats d’études qui démontrent que les variations systématiques de la taille du tour de taille et de hanches produisent des changements systématiques dans le jugement de l’attractivité féminine au sein de diverses sociétés à travers le monde. L’attrait si répandu d’une faible RSM suggère que les gens ont développé des mécanismes mentaux pour juger que les caractéristiques du corps indiquant une bonne santé sont attrayantes, ce qui signifie que certains standards de beauté ne sont pas arbitraires ou construits. Nous concluons qu’une meilleure compréhension et appréciation du lien entre la beauté et la santé peut être source d’autonomisation pour les femmes.
Introduction
“La santé est la beauté et la santé la plus parfaite est la beauté la plus parfaite.”
L’objectif de cet article est de présenter un argument évolutif en faveur du lien entre santé et beauté, en se concentrant sur le rôle du rapport taille/hanche (WHR). L’article contribue aux débats en cours autour de l’idée souvent avancée que les perspectives féministes sur le rôle de l’attractivité et la position de la psychologie évolutionniste sont intrinsèquement antagonistes. L’article contribue également à la discussion sur la question de savoir si les normes de beauté sont arbitraires, comme certains le proposent, ou si elles maintiennent un certain degré d’universalité. À cette fin, nous introduisons d’abord le concept de DHM et décrivons ses caractéristiques générales et sa pertinence. Ensuite, on résume les études démontrant la relation entre les RSF et les indicateurs de santé et de fertilité, puis on résume une seconde fois les résultats qui démontrent que la variation systématique de la taille des RSF produit à elle seule des changements systématiques dans le jugement de l’attractivité féminine. Enfin, on présente des preuves qui indiquent l’attrait interculturel, universel et éprouvé d’une RHS saine. Étant donné que le rôle des ressources humaines en santé n’est pas variable sur le plan social et culturel, l’analyse présentée ici devrait trouver un écho auprès de tous les lecteurs de divers horizons.
Les psychologues évolutionnistes (Etcoff 1999 ; Singh 1993 ; Sugiyama 2005) et les universitaires féministes (Bordo 1993 ; Jeffreys 2005 ;
Wolf 1991) ont tous deux beaucoup écrit sur l’importance accordée à la beauté féminine.
Les perspectives féministes, bien que non uniformes, tendent à souligner que l’importance que les gens accordent à la beauté féminine est souvent oppressive pour les femmes, entraîne une insatisfaction corporelle et une baisse de l’estime de soi, perpétue le traitement des femmes comme objets sexuels, occulte les talents et les compétences des femmes et peut perpétuer l’inégalité entre les sexes (Jeffreys 2005 ; Forbes et al. 2007).
Les perspectives d’évolution tendent à se concentrer sur le rôle de la sélection sexuelle dans les origines de certains standards de beauté féminine, l’importance que les hommes accordent à la beauté féminine et la compétition entre femmes pour incarner les standards de beauté des hommes (par exemple, Buss 2003 ; Sugiyama 2005 ; Symons 1979 ; Tooke et Camire 1991). Bien que les perspectives féministes et évolutionnistes soient souvent considérées comme contradictoires et incompatibles, elles sont considérées par certains universitaires (qui se décrivent comme des “féministes évolutionnistes” ou des “féministes darwiniennes”) comme hautement compatibles (par exemple, Gowaty
1992 ; Smuts 1995 ; Vandermassen 2005).
Dans le domaine de la beauté féminine, par exemple, des psychologues évolutionnistes qui examinent des étudiantes anglo-américaines dans une université nord-américaine ont constaté que les femmes souffrent de leur estime de soi après s’être comparées à des modèles attrayants (Gutierres et al. 1999), ce qui soutient l’argument féministe selon lequel l’accent mis sur la beauté physique peut être oppressif pour les femmes et nuire à leur image corporelle et à leur estime.
L’importance universelle que les hommes accordent à l’attrait physique dans la sélection de leur partenaire (Buss 2003) est compatible avec les arguments féministes selon lesquels l’accent mis sur l’apparence extérieure est central dans le traitement des femmes en tant qu’objets sexuels. L’argument féministe selon lequel les femmes “ont investi beaucoup de temps, d’énergie et de ressources émotionnelles dans un effort généralement futile pour se conformer à ces normes [de beauté]” (Forbes et al. 2007, p. 265) est soutenu par les conclusions des psychologues évolutionnistes sur la compétition intrasexuelle féminine dans le domaine de l’apparence physique (par exemple, Schmitt et
Buss 1996 ; Tooke et Camire 1991).
Les spécialistes évolutionnistes et féministes s’accordent à dire que certaines normes de beauté, comme l’accent mis sur la minceur par rapport à la rondeur, varient considérablement dans le temps et d’une culture à l’autre (par exemple, Forbes et al. 2007 ; Voracek et Fisher 2002). Enfin, les spécialistes évolutionnistes et féministes s’accordent à dire que l’importance excessive accordée à la minceur dans la culture moderne peut être malsaine et entraîner des troubles alimentaires et des problèmes d’image corporelle (par exemple, Brune 2008 ; Campos 2004 ; Gaesser 2002 ; Oliver 2006).